Ultima VII

C’est en 1992 que sort “Ultima VII: The Black Gate”, premier volet de la “Saga du Gardien”, et accessoirement la première étape vers un Ultima moins complexe et plus réaliste. Nouveau style graphique, nouvelle interface, nouveau système de combat, et même une nouvelle Britannia – les changements apportés par ce septième volet sont effectivement très nombreux.

Si les graphismes de très bonne facture proposent toujours une vue de dessus comme dans Ultima VI, ils sont réalisés dans un style très différent de l’épisode précédant. Outre le fait que le jeu est maintenant en plein écran, la principale différence vient du fait que les proportions entre les divers personnages, créatures, et objets sont bien plus réalistes que par le passé. Force est de constater qu’Ultima VII bât un nouveau record en terme d’immersion, d’autant plus que les emplois du temps des PNJs ont encore été peaufinés.

L’interface est également un très grand changement. Tout se gère intégralement à la souris, et le clavier n’est plus utilisé que pour les raccourcis. Les dialogues se font toujours à base de mots-clefs, mais contrairement aux précédents volets on n’entre plus les mots au clavier : on les sélectionne avec la souris. Le développement des personnages même s’il reste toujours présent et nécessaire est somme doute assez secondaire dans cet épisode. Comme d’habitude on gagne des points d’expériences qui permettent de passer automatiquement de niveau mais on obtient également des points de compétences à dépenser auprès d’entraîneurs afin d’augmenter ses caractéristiques. Simple mais efficace.

La surface de jeu est très élevée, et il y a beaucoup d’exploration à effectuer. Et de ce fait il existe divers moyens de transport comme le chariot, le bateau et même le tapis volant ! Les villes sont très grandes également et proposent un nombre non négligeable de PNJs avec leur vie propre. Même si le scénario principal est plutôt linéaire, le jeu offre tout de même une grande liberté. Il y a notamment un nombre important de quêtes annexes mais leur qualité varie grandement – si quelques une s’avèrent très intéressantes, beaucoup d’entre-elles n’offrent hélas que peu d’intérêt. Dommage.

Le design du monde néanmoins souffre malheureusement de défauts intrinsèques au moteur de jeu. Si les villes sont très grandes, on constate que cela se fait au détriment du reste. Ainsi les contrées sauvages semblent dans l’ensemble assez petites comparées au reste de la carte. Tout donne l’impression d’être un peu trop “collé” ce qui nuit légèrement au plaisir qu’offre le monde. Pour la même raisons, les célèbres donjons de Britannia font bien pâle figure dans ce septième volet. En effet l’un des défauts du moteur de jeu est l’impossibilité d’avoir plusieurs “niveaux” ce qui fait que les souterrains des célèbres donjons doivent se limiter a ce que peuvent contenir les montagnes, et le fait est que cela ne représente pas grand chose.

Le jeu possède également un niveau élevé d’interactivité, et il est possible de faire du pain, fabriquer des épées mais il apparaît bien vite que cette interactivité bien que présente s’avère assez futile car elle n’est en fait vraiment là que pour accentuer l’aspect “monde virtuel” plutôt que d’offrir une utilité réelle comme ce fut le cas dans Savage Empire (et qui possédait également une plus grande interactivité que ce septième opus).

Le nouveau système de combat est par contre très moyen. Si l’ajout du temps réel est un apport très appréciable pour ce qui est d’accroître l’aspect “monde virtuel” du jeu, il a malheureusement tendance à totalement gâcher les combats. En effet dés que l’on active le mode combat, l’Avatar et ses Compagnons se ruent automatiquement vers l’ennemi et on a rien d’autre a faire que de les regarder combattre. Il est certes possible de contrôler soit même l’Avatar, mais cela devient rapidement ingérable. On notera qu’il est possible d’attribuer différentes tactiques de combats aux personnages, mais cela n’a que peu d’incidence sur les batailles d’autant que le jeu autorise un nombre assez conséquent de compagnons. On comprends bien sûr les raisons de cet ajout, mais on peut regretter que les développeurs n’aient pas chercher plutôt à intégrer une forme de combat au tour par tour, bien plus pratique.

La magie quand à elle utilise le même système à base de livre de sort initié par Ultima VI, mais dorénavant seul l’Avatar est capable de l’utiliser – une autre contrainte du système de combat. Les sorts sont très nombreux, et comme toujours dans Ultima, sans doute trop vu que beaucoup d’entre-eux présente une utilité très limitée.

Le scénario par contre est probablement l’aspect le plus décevant de ce septième volet. S’il on peut excuser que la série ait décidé de revenir à une lutte contre un grand méchant (d’autant que cela valait clairement la chandelle au vu du résultat dans les volets suivants), Ultima VII souffre surtout d’une intrigue très convenue d’avance, notamment l’aspect concernant la confrérie dont le manichéisme et le manque de subtilité est particulièrement déroutant. Le monde de Britannia en lui-même est également très déroutant, et si le changement est compréhensible au vu des deux-cents ans qui séparent Ultima VII de son prédécesseur, il laisse un goût amer et en toute honnêteté on ne retrouve pas vraiment le monde que l’on apprit à connaître dans la précédente trilogie. La thématique sociopolitique du jeu est assez ‘lourde’ et même si elle n’est pas inintéressante, on peut raisonnablement se demander si elle a réellement sa place dans un Ultima. On se demande au fond où est passé le côté philosophique qui caractérisait Ultima jusque-là. Tous ces ‘problèmes sociaux’ présentés au cours du jeu entachent la grandeur potentiel du récit, et c’est un peu le problème car tout au long du jeu on a l’impression que l’intrigue principale passe au second plan. On regrettera aussi que l’interaction entre les personnages ne soit pas aussi poussée que dans les “Worlds of Ultima” et que les compagnons se contentent d’offrir une “puissance de feu” supplémentaire – mais elle a au moins le mérite d’être présente. Enfin tout ça n’est pas catastrophique non plus – l’intrigue principale reste intéressante et propose à défaut d’autre chose une bonne introduction à la Saga du Gardien. De plus certaines intrigues secondaires valent franchement le détour et il reste tout de même pas mal d’idées intéressantes – on ne peut qu’apprécier le retour en force de certains éléments des précédents volets (notamment d’Ultima III). Le bilan sur la durée vie est également mitigé. Malgré sa taille, le jeu est globalement assez facile, et pour peu que vous vous concentriez sur la quête principale vous y viendrez à bout assez rapidement.

Signalons tout de même que les musiques sont – c’est une habitude – de toute beauté, et que l’ambiance sonore était particulièrement réussie pour l’époque. Ce fut également l’un des premier Ultima avec des voix digitalisées. Ou plutôt une voix digitalisée, celle de Bill Johnson qui prête assez efficacement sa voix au Gardien. Outre sa prestation dans les scènes d’introduction et de fin du jeu, il intervient régulièrement au fil du jeu pour vous narguer.

Au final, Ultima VII reste tout de même un très bon jeu doté de grandes qualités mais il souffre hélas de la comparaison avec les précédents volets qui en leur temps lui étaient bien supérieurs.

Des problèmes pour faire fonctionner Ultima VII sous Windows 95 ou 98 ?? Venez ici.

 

  • Note sur la Version Française

Alors que la série Ultima était jusque-là réservée aux anglophones (on oubliera le massacre d’Ultima IV), Ultima VII fut entièrement traduit en français quelque mois après la sortie de la version originale. Loin des craintes que cela pouvait susciter, cette version française est heureusement de très bonne facture et a la particularité d’être efficacement retranscrite en vieux français. Bien que cette particularité ne soit pas toujours parfaitement maîtrisée (les traducteurs ont par moment abusé du parler archaïque… comme les portes nommées ‘huis’ par exemples), elle confère au sjeu un petit charme rustique des plus agréables. La version française du Gardien, incarnée par Jean-Marc Chemla, reste honnête même si ce dernier est très loin d’égaler la prestance de Bill Johnson. Cette version française est hélas difficile à trouver, vu qu’elle n’a jamais été rééditée, les compilations CD-Rom sorties ne regroupant que la version Anglaise.

 

  • The Forge of Virtue

Notons que quelques mois après sa sortie, Ultima VII se vit attribuer d’un add-on nommé “Forge of Virtue”. Techniquement, cet add-on se contente d’ajouter une quête annexe, mais qui a le mérite d’être particulièrement passionnante, tant au niveau du gameplay (car avouons-le elle est loin d’être facile !) que de l’excellente histoire basée directement sur celle d’Ultima III et impliquant Exodus et son Isle de Feu. Cet addon pouvait être installé à n’importe quel moment, et le joueur pouvait donc y aller dès qu’il le voulait. Le défaut intrinsèque de cet add-on néanmoins est qu’au terme de l’aventure les caractéristiques de son personnage sont toutes amenées à leur maximum, ce qui peut avoir de mauvaises conséquences pour le plaisir de jeu si on se lance trop tôt dans cette quête. De plus, le joueur se voit immédiatement attribué un bateau par Lord British, rendant complètement inutile l’achat d’un navire chez l’un des nombreux armateurs du royaume.

Toutes les dernières éditions CD-ROM d’Ultima VII intègrent “Forge of Virtue”. Il est bon de signaler également que “Forge of Virtue” n’a jamais été traduit en langue française, et le code différent entre les deux versions rends l’add-on incompatible avec le jeu français.

 

  • Version Super NES

Comme on pouvait s’y attendre “The Black Gate” est également sorti sur Super NES. Il s’agira de la dernière conversion d’un Ultima sur console Nintendo, puisque que curieusement Serpent Isle ne fut jamais adapté. Cette version néanmoins n’a plus grand chose à voir avec l’originale et reprend en fait le même système de le jeu que la version Super NES de Savage Empire ; c’est à dire un jeu d’aventure-action sans équipe dans le style de Zelda. Il y a également des différences flagrante dans le scénario et la carte de Britannia n’est plus du tout la même. Mais dans l’absolu cette conversion n’est pas si mal. Elle n’a certes rien à voir avec la version d’origine mais cet “Ultima : The Black Gate” reste un sympathique jeu d’aventure-action. Elle a également le mérite de posséder des graphismes plutôt réussis et des musiques reprenant les thèmes de la version PC. Le plus gros problème du jeu finalement vient de la traduction assez médiocre du jeu en anglais, et de la “censure Nintendo” qui rend le tout un peu ridicule (comprenez que le méchant Crochet capture les gens au lieu de les assassiner). Bref ça reste un jeu sympathique si l’on aime le genre mais elle est à déconseiller si vous êtes un fan pur et dur de la version d’origine, car vous ne pourrez qu’être horrifié par cette conversion.