Ultima VIII

En 1994, Origin sort Ultima VIII alias Pagan… et c’est l’apocalypse ! Malgré la réception très positive de la presse spécialisée, le jeu est très mal reçu par les fans principalement à cause d’une orientation trop arcade. Si Ultima VIII se démarque effectivement des précédents volets, le véritable problème de cette épisode est un manque flagrant de finition, car on nous livre un jeu bâclé pour de sombres histoires de plannings, avec des problèmes évidents dans le gameplay. Conscient de ces problèmes, Origin rectifiera le tir en proposant quelques mois après la sortie du jeu un patch qui corrigera les plus gros problèmes du jeu, rendant Ultima VIII beaucoup plus plaisant que la version d’origine qui pouvait s’avérait très frustrante.

Néanmoins le fait est que malgré tout Ultima VIII ne manque pas de qualités. Techniquement tout d’abord, le jeu est une petite merveille. Les graphismes sont tout simplement superbes – le monde est beau et détaillé tout comme les personnages et créatures (dotés qui plus est d’une animation fantastique) qui peuplent le monde de Pagan, et on regrettera juste que la surface soit délimitée en zones au lieu d’être continue comme par le passé. Le monde d’ailleurs s’il apparaît très petit à la base ne l’est au fond pas tant que ça. Le nombre de ville – et par conséquent de PNJs – est certes peu élevé (Tenebrae est en vérité la seule ville digne de ce nom) mais il y a par contre bon nombre de souterrains et beaucoup d’exploration à faire. C’est un peut-être un peu le problème d’ailleurs car au contraire des deux précédents volets on passe beaucoup plus de temps à explorer les “donjons” qu’à parler avec les personnages. Un autre point très réussi est l’ambiance sonore. Si les nombreux bruitages sont déjà de très bonne facture, la palme revient sans nul doute à la superbe partition musicale de Neno Vugrinec qui confère au jeu une ambiance sombre très réussie et en parfaite adéquation avec le monde violent de Pagan. Bien entendu les voix sont également de la partie avec le retour de Bill Johnson dans le rôle du Gardien.

Le scénario est plutôt réussi et réserve quelques surprises. Et même si au contraire de l’Isle Serpent le monde de Pagan n’a aucun lien avec Britannia, il n’en demeure pas moins fascinant et passionnant à découvrir. On regrettera d’autant plus que de nombreux d’éléments de l’histoire aient du être simplifiés voire même carrément supprimés faute de temps. Si les PNJs sont présents en une quantité acceptable, ils sont tout de même beaucoup moins nombreux que dans les Ultima VII, et ils sont loin d’avoir la même profondeur notamment à cause de dialogues plus réduits. Qui plus est, ils n’ont plus réellement d’emplois du temps comme par le passé : au mieux ils se téléportent selon l’heure. Il n’y a pas non plus de cycle jour/nuit et même si c’est expliqué par la nature du monde, cela manque un peu, et il est parfois difficile de savoir si l’on est à l’intérieur ou a l’extérieur. On notera également que pour la première fois dans Ultima (à l’exception des deux Underworlds) les dialogues ne font plus à base de mot-clefs, mais sous forme de phrases à choix multiples. Malheureusement, l’Avatar se contente généralement de répéter bêtement la dernière phrase de son interlocuteur, et sa frise bien souvent le ridicule (caractéristique qui sera hélas retranscrite dans Ultima IX).

L’interface quand à elle est globalement identique à celle d’Ultima VII. Seules différences réelles : le monde ne se fige plus lorsqu’on ouvre son inventaire et surtout on a maintenant la possibilité de pouvoir sauter et de grimper. Le problème c’est que les développeurs ont un peu abusé de cette capacité et créé un nombre assez élevé de passages où il faut sauter de pierre en pierre. En soit ce n’est pas forcément gênant, mais hélas le système de saut dans le jeu est tout simplement horrible et on ne compte pas les fois où on meurt parce que l’on a pas sauté au bon endroit. Dieu merci, c’est un des problèmes qui fut résolu par le patch, et avec le système de saut ciblé de ce dernier – s’ils restent toujours aussi nombreux – ils en deviennent presque une formalité.

Les système de combat n’est pas terrible non plus et se résume à double-cliquer dans la direction de l’adversaire. S’il est théoriquement possible de parer les coups et même de donner des coups de pied cela s’avère globalement inefficace. De plus, bien que très réussis, les monstres qui peuplent Pagan manquent franchement de diversité et comparé aux précédents volets, le bestiaire s’avère bien pauvre. Enfin somme toute, le système de combat reste toujours plus plaisant que celui d’Ultima VII. La version non-patchée proposait également le gros défaut de faire tomber votre personnage à chaque coup qu’il recevait, ce fut néanmoins corrigé par le patch, ce qui simplifie grandement les choses.

Le plus gros changement par rapport aux précédant volets néanmoins concerne tout de même la magie. Exit le bon vieux livre de sort, Ultima VIII ne propose pas un mais quatre systèmes de magie bien différents, tous aussi intéressant et originaux les uns que les autres. Le seul petit bémol viendrait de la Magie du Feu qui nécessite l’utilisation d’un rituel où des réactifs doivent être placés au pixel prés ce qui a tendance à être un peu agaçant à la longue.

Avec le recul il est facile de comprendre pourquoi Pagan fut si mal reçu. Entre l’univers et l’ambiance peu familiers, la concentration sur l’exploration au lieu de l’interactivité, et les nombreux défaut de la version d’origine il y a de quoi. Mais au final, il s’avère qu’Ultima VIII est un jeu qui, bien que très différents des précédents volets, s’avère très réussi.

On notera que le jeu est sorti avec un “Speech Pack”, vendu séparément. Cet accessoire assez courant dans les jeux Origin de l’époque (notamment dans la série des Wing Commander) offrait l’ajout de nouvelles voix en dehors des séquences d’introductions et de fin de jeu. Il ajoutait notamment des voix aux quatre puissants Titans, mais également les sarcasmes constant du Gardien durant le jeu (un peu comme dans Ultima VII). Si la voix de Bill Johnson est toujours aussi excellente, force est de constater qu’elle est peut-être un peu trop utilisée par moment. Les autres voix par contre si elles sont correctes n’ont rien d’exceptionnelles. Seul Pyros (incarné par Kirk Winterrowd) parvient un peu à tirer son épingle du jeu avec une prestation presque digne de celle du Gardien. On notera tout de même la présence au casting d’un certain Ev Lunning (incarnant le personnage de Khumash-Gor) qui bien des années plus tard prêtera sa voix à Lord British dans Ultima IX.

 

  • Note sur la Version Française

Pour finir on remarquera que contrairement à Serpent Isle, Ultima VIII est bel en bien sorti en français. Proposant tout comme Ultima VII des dialogues en vieux français (alors que curieusement la version originale utilisait de l’anglais contemporain !), l’utilisation de celui-ci est beaucoup mieux maîtrisé que dans ce dernier. Cette version française est d’excellente facture, et même si elle nous prive de la voix originale du Gardien (toujours doublé assez efficacement par Jean-Marc Chemla), je dois dire qu’elle s’avère globalement supérieure à l’originale, procurant un charme plus authentique et attachant que celle-ci. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant des voix françaises du Speech-Pack. Si la voix du Gardien reste correcte, elle tape rapidement sur le système tant ses sarcasmes deviennent redondants. Quand aux autres voix elles sont toutes d’un amateurisme déplorable avec un “jeu” d’acteur au ras des pâquerettes. Dommage.

 

  • The Lost Vale

Voilà probablement le Saint Graal d’Ultima. Comme pour les Ultima VII, il était prévu dès le départ que Pagan se voit attribué d’un add-on intitulé “The Lost Vale”. Il fut annoncé officiellement, et une série de screenshots fut proposée pour un temps par Origin avant que toute trace du projet ne disparaisse subitement. Pendant plus de dix ans, les spéculations sont allées bon train quand à la nature de cette extension ainsi que son avancement avant son annulation. Il aura fallut atteindre 2006 pour que des informations concrètes soient enfin révélées sur cette Valée Perdue.

Tout d’abord des scans de la boite de jeu apparurent subitement sur le web. Il s’agissait d’un exemplaire unique dont l’authenticité fut confirmé par Denis Loubet en personne, et envoyé à la compagnie qui était censé s’occuper des packagings pour la duplication. Cet exemplaire s’est finalement vendu à près de 2000$ a un collectionneur sur Ebay mais le possesseur de la boite, a gracieusement fait don de scans de la boite (visible dans la galerie) qui donnait déjà de précieuses informations sur le jeu. Mais peu après des informations plus complètes ont finalement été dévoilées par Sheri Graner Ray, Designer Principal de l’extension via le site PC Games That Weren’t.

Comme on s’en doutait l’histoire de The Lost Vale tournait autour d’un groupe d’ancien Zaelans qui avait enfermé dans une Valée par les Pagans et leurs Titans quand les anciens Dieux ont disparu. Ces Zaelans vécurent isolés pendant très longtemps. Néanmoins durant cette isolation eut lieu une terrible tragédie impliquant la mort de deux enfants et causant un schisme dans la population, chaque camp blâmant l’autre pour leur mort, et aucun ne s’étant plus parlé depuis une décennie au moment du jeu. La tache de l’Avatar était de réveiller les Anciens Dieux et restaurer la confiance entre les deux peuples. Dans ce but l’Avatar devait s’élever jusqu’à une légendaire cité dans les nuages où les Anciens Dieux étaient supposés vivre. Mais il y découvrait que les dieu n’étaient pas endormis mais avaient été emprisonnés par les Titans et devait trouver un moyen de les libérer. Ces Anciens Dieu auraient été visiblement des alliés de taille pour l’Avatar et l’auraient aidé sur son chemin pour devenir le Titan de l’Ether. Selon certaines rumeurs, “The Lost Vale” aurait aussi dû servir à poser les bases pour Ultima IX et l’Avatar y aurait appris la véritable nature du Gardien, censé à ce moment être un ancien dieu Zealan – mais pour l’instant rien ne permet d’étayer cette thèse.

Et terme de gameplay, la Vallée Perdue aurait été accessible par les double portes verrouillées dans la caverne du Marteau BriseOs. La cité dans les nuages aurait semblé abandonnée mais aurait été pleine de pièges et d’énigmes. Il aurait fallut utiliser le sort de rétrécissement (inutile dans Pagan) au cours de l’extension et il y aurait bien sûr eu de nouvelles créatures a combattre et des nouveau PNJs. Le personnage serait bien sûr devenu plus puissant, et le joueur aurait acquis la “Bourse des Réactifs” qui à l’image du Ring of Shal de Silver Seed, aurait offert une quantité infinie de réactifs. “The Lost Vale” aurait également offert des environnements moins ténébreux qu’Ultima VIII, contrastant avec la noirceur de l’île de Pagan.

Mais le pire dans cette histoire c’est qu’il a été confirmé que le développement de Lost Vale était TERMINE. L’extension était prête à partir en duplication, et c’est pour cette raison que la boite était également finalisée. Mais Electronic Arts a annulé sa sortie au dernier moment pour une raison au final inconnue. Il est bon de rappeler qu’Ultima VIII est le Ultima s’étant le mieux vendu (sans compter UO bien évidemment), alors cette décision à de quoi laisser perplexe. Il est possible que la mauvaise réception d’Ultima VIII ait incité EA a penser que l’add-on ne se vendrait pas… mais c’est bien dommage – et c’est vraiment un euphémisme ! Il y a malheureusement très peu de chances qu’une copie ait pu survivre depuis tout ce temps.

On notera également qu’une version CD-Rom entièrement parlée était également prévue au même moment, et apparemment les dialogues avaient déjà été enregistrés pour l’occasion, mais elle fut finalement annulée en même temps que “The Lost Vale”.